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Le cimetière du Biollay

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Jusqu’au XIXe siècle, c’est autour de l’église que se groupent les tombes du cimetière. Pas ou peu de monuments funéraires à l’époque : le sort de l’âme des défunts compte davantage que celui de leur dépouille. Une simple croix de bois marque l’emplacement pendant quelques temps, puis la tombe est rapidement relevée. Le mur d’enceinte, qui clôt l’église et le presbytère, est entretenu comme il se doit. En 1890, l’entreprise Joseph Bianco est sollicitée pour le reconstruire, sur une longueur de 36 mètres, le long de la servitude publique.

Diaporama de l’article

  • Légende photo :

    Traditionnellement, c’est autour de l’église que sont inhumés les défunts

  • Légende photo :

    Un des projets d’emplacement du nouveau cimetière, jugé trop proche des habitations

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    La tombe d’Edward Whymper, décédé en 1911 mais réinhumé dans le nouveau cimetière dès 1913

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    Marquant le caveau des guides : trois stèles de granit où sont gravés les noms des guides morts en montagne.

  • Légende photo :

    Dédiée aux alpinistes ayant trouvé la mort en montagne, une stèle signée Samivel

    Le décret du 23 Prairial an XII (12 juin 1804) fixe, pour l’Empire français, de nouvelles législations funéraires motivées par souci d’hygiène public. Ainsi, les communes sont priées de déplacer loin des habitations leurs lieux de sépulture : les cimetières doivent être implantés hors des villes et à une distance d’au moins 35 mètres.

    Parallèlement, à Chamonix comme partout, des concessions commencent à être attribuées aux familles qui souhaitent ériger des caveaux ou des tombeaux. Ces constructions en pierre, calcaire ou marbre, résistent aux intempéries et permettent la transmission du souvenir individuel et familial.

    Les élus de Chamonix, réunis en conseil municipal le 4 juin 1896, évoquent pour la première fois officiellement la nécessité d’agrandir le cimetière devenu trop petit.

    À cette nécessité d’extension s’ajoute, ainsi que l’exige la loi, la nécessité d’éloigner les tombes des habitations, des contagions pouvant provenir des corps en décomposition.

    Un terrain est choisi, en arrière du bourg. Des sondages réalisés par Venance Payot, géologue officiel, en février 1897, concluent que le sol est « formé par le produit d’éboulements de rochers de nature cristalline et gneissique dont la chaîne du Brévent est composée en majeure partie, ainsi que de micaschistes qui se sont désagrégés ». Par ailleurs, un certificat, signé par le maire le 28 janvier 1897, affirme qu’aucune source n’existe sur ce terrain et que la rivière Arve est éloignée de plus de 800 mètres.

    On dresse un plan avec l’emplacement du cimetière projeté et, pour bien souligner l’éloignement des maisons, on y ajoute la ligne du rayon de 100 mètres. Soumis au Conseil d’hygiène de l’arrondissement de Bonneville le 3 mars 1897, cet emplacement sera néanmoins refusé au motif « qu’il est tellement rapproché de l’ancien cimetière (20 mètres environ) qu’il peut être considéré comme un agrandissement du premier ».

    Cinq ans plus tard, en 1902, un deuxième projet est élaboré : sur le même coteau, au lieu-dit « Les Combes du mas du bourg ». Comme le premier, ce deuxième projet restera sans suite. Les propriétaires craignant une importante dévaluation de leurs terrains due à la proximité du cimetière, les pourparlers et négociations avec la mairie ne peuvent aboutir.

    Enfin, 11 ans plus tard, les procédures d’expropriation sont terminées sur le site du Biollay, finalement retenu.

    Les concessionnaires du Montenvers ont pourtant largement contribué à empêcher l’entreprise d’aboutir, redoutant, pour leurs clients, une image négative de la station. Mais une enquête commodo et incommodo se déroule du 7 au 9 janvier 1913 et la déclaration d’utilité publique mettra fin aux interminables discussions. La mairie pourra avancer dans son projet, malgré les oppositions musclées.

    Le 23 janvier 1913, le devis descriptif est prêt. Tout y est détaillé : la profondeur de décaissement exigée, la hauteur du mur d’enceinte, ses fondations, son couronnement en pierres de taille de 15 centimètres d’épaisseur, la grille de fer forgé du portail et les deux portes latérales pour piétons ainsi que les piliers de granit taillé. Devant le cimetière, un chemin d’accès doit être construit reliant les chemins existants du Biollay et du Fouilly : 300 mètres de longueur et 6 mètres de largeur seront empierrés et recouverts de « pierres calcaires de 0,06 ». L’entreprise Josué Anselmo est déclarée adjudicataire des travaux pour un montant de 65 000 francs. Parmi les sous-traitants, on notera le nom de l’Entreprise Franchino.

    Dès l’automne 1913, le nouveau cimetière est ouvert et peut recevoir les premières inhumations dans sa partie basse.

    Exceptée la réinhumation de Whymper, mort deux ans auparavant, il ne semble pas que d’autres transferts de corps aient été faits de l’ancien cimetière vers le nouveau. Les archives de la mairie n’en révèlent aucun témoignage. Malgré tout, d’assez nombreuses stèles portent les noms de personnes décédées bien avant 1913, ces inscriptions ayant pu être gravées dans un deuxième temps par les familles.

    Cette partie du cimetière comporte les monuments funéraires les plus imposants, tombe, tombeau, petit mausolée ou petite chapelle. Ils correspondent à une période où certaines familles bourgeoises aisées de Chamonix veulent honorer leurs défunts par une sépulture « convenable ».

    Le 8 décembre 1929, le Chanoine L. Rhuin, curé-archiprêtre de Chamonix adresse une double demande en mairie.

    Il souhaite, outre que soit annulé l’arrêté municipal interdisant les processions, obtenir l’autorisation de faire ériger un calvaire de granit au centre du cimetière. Financé par souscription auprès des fidèles, ce monument témoigne du caractère « sacré » du cimetière. Bien que laïque et public, bien qu’éloigné désormais de l’église, les habitants de Chamonix ont à cœur de donner à leur nécropole la sérénité qui convient au repos de leurs défunts. La croix latine, que dessinent les allées, et le calvaire de granit, symboles de chrétienté, y participent largement.

    Des traces de la guerre

    De nombreuses tombes font écho au Monument aux Morts, rappelant les différentes guerres, plus ou moins récentes. Parées le plus souvent d’un simple monolithe de granit, elles se veulent sobres et dignes.

    En 1952, un courrier est échangé entre la mairie et la préfecture de Haute-Savoie qui doit assurer le « regroupement des militaires allemands dans une nécropole départementale« . Ceci expliquerait que le Biollay ne garde aucune trace de ces soldats, initialement inhumés dans ce cimetière en 1944-45.

    Agrandissement du cimetière

    En 1963, la population de la commune a doublé, le cimetière est à nouveau trop petit. Aussi envisage-t-on de l’agrandir. L’extension, réalisée en 1969, casse la forme originale et s’étire sur la droite, grimpant dans la forêt et libérant 8000 m2 de terrain « nature ».

    Le carré des alpinistes trouvera tout naturellement sa place à l’ombre des épicéas où Samivel l’honore d’une belle épitaphe : « À vous tous, alpinistes ivres d’espaces, de vide et de lumière, qui n’êtes pas revenus de la haute montagne, ces simples signes fixés dans la pierre veulent garder fidèle la trace de votre mémoire. Père dans Tes bras tendres, ces gisants recueillis, Père dans Tes bras tendres, cette moisson mûrie. »

    Reflet d’un siècle de vie chamoniarde.

    Le XIXe siècle n’a pas laissé dans la vallée de nécropole importante, les cimetières autour des églises ayant disparu.

    Au XXIe siècle, on peut imaginer que la pratique du colombarium remplacera petit à petit les tombes traditionnelles.

    Par contre, l’histoire du XXe siècle de Chamonix pourrait s’écrire au hasard des allées du cimetière du Biollay où les monolithes de granit brut côtoient les dalles de calcaire et les stèles polies et gravées de lettres dorées.

    Qu’elles soient pour un hôtelier ou une femme de chambre, un banquier ou un artisan, un employé ou un patron, un alpiniste de passage ou un responsable politique… ces sépultures sont celles des acteurs du Chamonix du XXe siècle.

    Au pied du Mont-Blanc et des aiguilles, chacun d’eux, façonné par le climat et les saisons, a participé à la construction du pays.

    Et au caveau des guides, chacun y trouve forcément l’un des siens, parent, ami ou voisin. Construit en 1946, le caveau des guides dresse aujourd’hui côte à côte trois stèles de granit. Ces blocs monolithiques, laissés volontairement à l’état brut, symbolisent la rudesse de la montagne et la difficulté de ce métier hors du commun, mais aussi l’attrait indéniable exercé par les hautes cimes. Sur chacun des trois blocs est scellée une plaque de bronze où sont gravés les noms des quelque 80 guides morts en montagne. Un hommage leur est rendu, chaque 15 août, lors de la Fête des Guides.