À l’hôtel Mont-Blanc d’Argentière, une clientèle privilégiée
Les hôtels
La création de la voie ferrée signifie, pour Argentière comme pour beaucoup de petites localités, l’ouverture vers l’extérieur, les facilités de communication, le désenclavement. Dans le haut de la vallée, certains hôtels, comme La Couronne ou le Bellevue ouvrent depuis déjà plusieurs années leurs portes au tourisme estival. Mais le chemin de fer change tout et la mode des sports d’hiver suivra de très près celle du thermalisme, apportant un esprit nouveau dans les villages de montagne jusqu’ici repliés sur eux-mêmes pendant huit ou neuf mois de l’année.
Diaporama de l’article
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Marie Carrier épouse Charlet dite Maïon
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François Charlet dit Tantôle
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Le berger Locat à Planpraz
François Charlet, dit «Tantôle» et sa femme Marie Carrier, dite «Maïon» ouvrent les portes de l’hôtel du Mont-Blanc vers 1902-1903. François, comme son frère Jean (dit Zian), descend de cette grande famille Charlet qui, à la suite de l’énorme crue glaciaire de 1852, a fui les terres inondées du Plagnolet pour se réfugier du côté des Frasserands.
À l’hôtel du Mont-Blanc, comme partout, la clientèle est fortunée et les établissements doivent se tenir à la hauteur pour recevoir tout ce beau monde. Jalonnant la grand-route, les hôtels arborent fièrement leurs concierges, chargés de surveiller les entrées et les sorties, surveillant que tout se passe bien et sonnant la cloche pour les repas. Chacun se vêt d’un costume qui lui est propre, taillé sur mesure et brodé de deux petites clés croisées sur le revers. Le concierge de l’hôtel Mont-Blanc est habillé de vert tandis que celui de l’hôtel de la Couronne est en bleu, celui de l’hôtel des Glaciers en bleu-marine et celui de l’hôtel du Globe en brun.
En 1930, Jeanne Charlet laisse sa famille à Martigny pour venir se «placer» pour la saison à l’hôtel du Mont-Blanc. Elle épouse le fils du patron — Aimé — et devient patronne à son tour.
En 1999, elle raconte :
«Il y avait beaucoup d’anglais au mois de juin surtout. En septembre, on accueillait la clientèle «Pied Noir» car leur rentrée scolaire n’avait pas lieu à la même date. Et puis, nous avions de nombreuses personnalités belges, dont un Monsieur qui faisait des courses avec Georges Charlet comme guide et Albert Simond comme porteur.
Nous avons reçu le comte de Guichamp et un certain Monsieur Stepanov, officier du Tsar, qui venait à la maison et racontait des histoires de Raspoutine. Nous avons eu également le Général Héringue et Madame. Ce dernier avait des rendez-vous au col des Montets avec le Général Guisan, commandant de la Suisse. Ils s’adossaient chacun d’un côté d’un rocher pour discuter politique.
Parmi la clientèle fortunée, séjournaient les soyeux de Lyon, notamment la famille Marelle avec ses grandes filles toujours vêtues de blanc et portant chapeau et gants.
Après la guerre, l’hôtel a hébergé l’abbé Lefebvre (qui deviendra Monseigneur Lefebvre) et les Petits Chanteurs de la Côte d’Azur. Nous n’oublions pas Madame Custot, écrivain sous un pseudonyme que nous ne connaissions pas et qui ne voulait manger que des produits naturels. Les Œufs, le lait, la viande… elle s’inquiétait en permanence de leur provenance. La couleur de ses tenues vestimentaires variaient, depuis les chaussures jusqu’aux chapeaux et de l’ombrelle au parapluie, en fonction du temps : blanc pour les journées ensoleillées, jaune si le temps était couvert et brun pour les jours pluvieux.
La fidélité des clients à leur hôtel et la longue durée de leur séjour fait naître une certaine sympathie entre eux. À l’heure du dîner, chacun s’habille pour passer à table puis, le repas terminé, entame, dans les rues d’Argentière, la traditionnelle promenade vespérale. »
Pendant plusieurs années, l’hôtel Mont-Blanc a hébergé un hôte un peu particulier : le berger Locat. Pratiquant la transhumance depuis les Alpes du sud, il voyageait en train, lui-même et son bétail, jusqu’à Albertville, puis rejoignait à pied les alpages derrière le Brévent. Il faisait alors étape à l’hôtel du Mont-Blanc, apportant en cadeau de l’huile d’olive ou du riz camarguais.
Texte rédigé par Joëlle Dartigue-Paccalet en 1999 à l’occasion des Journées du Patrimoine. Merci à Nanette, Odile et leur maman pour leur accueil et leur généreuse participation.