Au Planet, un moëntieu privilégié
L’agriculture, La neige, Le déneigement, Le ski, Les gens d’ici
Passé Argentière, la vallée se resserre au niveau du Pont Boveray, créant une espèce d’étranglement. En hiver, les avalanches de la Fis et de la Golette inquiètent, aujourd’hui comme hier. Les Frasserands, le Planet, Montroc, le Tour… ces hameaux gardent la mémoire de moments difficiles où la nature se déchaîne et nous soumet.
Mais ils racontent aussi de belles histoires de neige et de glissades, de rires et d’amitié. Et puis les alpages fleuris et les lichens dorés des rochers de l’été, les mélèzes flamboyants de l’automne donnent aux demeures rustiques la couleur et l’odeur du vent qui picote les joues.
Diaporama de l’article
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1911 – La récolte des pommes de terre
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1940 Les labours
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1950 – Jeanine au bassin
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1908 Ski sous l’hôtel
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1908 Les plaisirs de la neige
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1963 Déneigement de la route d’accès au Planet au mois d’avril
Passé Argentière, la vallée se resserre au niveau du Pont Boveray, créant une espèce d’étranglement. En hiver, les avalanches de la Fis et de la Golette inquiètent, aujourd’hui comme hier. Les Frasserands, le Planet, Montroc, le Tour… ces hameaux gardent la mémoire de moments difficiles où la nature se déchaîne et nous soumet.
Mais ils racontent aussi de belles histoires de neige et de glissades, de rires et d’amitié. Et puis les alpages fleuris et les lichens dorés des rochers de l’été, les mélèzes flamboyants de l’automne donnent aux demeures rustiques la couleur et l’odeur du vent qui picote les joues.
Ici, il n’y a guère de place pour le superflu, on y cultive plutôt l’authentique.
Pendant des décennies, le hameau du Planet n’est habité qu’en été. C’est une sorte de « moentieu », premier étage de transhumance. Le plateau, verrou glaciaire datant de la dernière glaciation, reste balayé par les avalanches descendant du Péclerey. Les maisons sont blotties les unes contre les autres, suivant l’unique ligne de construction que l’observation séculaire a jugée sûre. Mais l’accès est beaucoup trop risqué pour pouvoir s’y établir à l’année.
Ce hameau illustre parfaitement le type d’habitat ancien tel que conçu par nos aïeux, attentifs et sages, qui s’en réfèrent à la nature. Les maisons larges et basses aux avant-toits courts abritent hommes et bêtes. Sous l’immense grange, se trouvent l’étable, au sol de terre battue, et la cuisine (l’outa) parfois simplement dallée de schiste. Au service de tous, une seule fontaine fait fonction à la fois d’abreuvoir et de lavoir.
L’économie agro-pastorale de montagne rythme la vie du Planet. Lorsque la neige a fondu, vers le mois de mai, les familles viennent y passer l’été avec la partie du bétail qui n’a pas été inalpé. Prés de pâture, luzernes et champs de pommes de terre dessinent de beaux rectangles cultivés, débarrassés des broussailles envahissantes. La belle saison terminée, quand approche la Toussaint, tout le monde redescend, chassé par le froid.
Années 1900… Tout change au Planet, quand deux familles chamoniardes, les Tairraz (marchands de vins) et les Tairraz (photographes) de croisent… par le mariage d’Auguste et de Judith qui décident de construire un hôtel là où la vue est inégalable. Après trois ans de négociations et de travaux (effectués par les frères Luchini, maçons et tailleurs de pierre), l’hôtel du Planet ouvre ses portes en 1903.
Dès le premier hiver, Auguste organise, pour ses clients des animations de luge, de ski, de patinage, de curling. Il construit même un petit tremplin. En janvier 1908, à l’occasion du 2e Concours International de Ski à Chamonix, les « équipes militaires qui arrivent en gare de Chamonix, sont accueillies aux accents de la Marseillaise par les fanfares locales, la Municipale et l’Avenir. Au sortir de la gare, en musique, suivies d’une foule déjà nombreuse, elles se rendent à Argentière en traîneaux, puis au Planet où les officiers norvégiens et suisses sont l’objet d’une cordiale réception de la part de la Colonie Française au Grand Hôtel du Planet où ils doivent passer la nuit. » En juin 1914, sous le patronage du CAF et du Touring Club de France, naît le club des sports MAP (Montroc-Argentière-le Planet) fondé par Désiré Charlet, gendre d’Auguste Tairraz.
Le 31 janvier 1911, lors de travaux de réparation sur le système de chauffage, un ouvrier Valaisan provoque un incendie au quatrième étage. Par peur des représailles et plutôt que d’avouer sa maladresse, il s’enfuit en passant par le tunnel des Montets pour rejoindre son pays. Les flammes ravagent la toiture mais l’incendie est stoppé miraculeusement grâce à l’épais tapis de neige amassée hotte après hotte au-dessous du brasier. Les réparations seront rapidement menées par l’entreprise Taberlet-Méchoud. En 1925, c’est l’avalanche du Grand Chantey qui dévale, à deux heures du matin, causant d’importants dégâts à l’intérieur du bâtiment. La turne, étrave de béton divisant la coulée en deux langues, est construite peu après.
En 1931, les filles d’Auguste, Adèle et Adrienne, prennent la direction de l’établissement qui compte cent trente lits et qui emploie plus de vingt-cinq personnes logées sur place dans l’annexe au-dessus des garages : deux valets de chambre, plusieurs femmes de chambre, deux personnes pour la vaisselle, trois ou quatre pour la cuisine et un laveur pour le linge, un Italien fidèle à l’hôtel pendant 35 ans. Adèle se charge de l’économat, tandis qu’Adrienne dirige l’ensemble et que son mari, Désiré Charlet, s’occupe du ravitaillement et du déneigement, à la charge des hôteliers. Attelé à un cheval, le traîneau fait la navette pour ouvrir la route et descend chercher les clients jusqu’aux Tines (terminus de la circulation ferroviaire en hiver).
Après les riches voyageurs britanniques de l’avant-guerre, l’hôtel héberge des personnalités prestigieuses comme Albert 1er, Roi des Belges (lors de l’inauguration du refuge qui porte son nom), le Président Herriot, Robert Schuman… Pour eux, on n’hésite pas à descendre jusqu’à Chignin pour s’approvisionner en meilleur vin. Comme dans tous les hôtels, la cloche sonne pour les repas et les pique-niques sont préparés pour les excursionnistes en route pour la Pierre à Bosson et la très élégante traversée du glacier d’Argentière jusquà la Koufa et Lognan.
Illustrations : Collections Jean-Marie Landot, Guy Cachat et archives familiales