C’est ainsi qu’avant que la paroisse d’Argentière ne soit créée, on décide de fonder une chapelle au Tour. Cette décision s’accompagne d’un acte officiel de fondation daté du 1^er juin 1685. Tout y est précisé :

– La chapelle est dédiée à saint Bernard de Menthon et à saint Ours.

– Le capital est de 500 florins de Savoie.

– Le linge et les luminaires nécessaires aux cérémonies sont fournis par les habitants.

– Les recteurs de la Collégiale de Sallanches donneront cinq messes par an au moins.

– L’entretien du bâtiment sera assuré par les habitants …

Depuis, la chapelle a, évidemment, subi de nombreuses modifications, tant dans son aspect extérieur – façade, toiture, fenêtres – que dans son aménagement intérieur – retable, tribune … En 1995 et grâce à l’aide importante du Prince Sadruddin Aga Khan et de l’association “Alp Action”, le petit édifice va retrouver sa jeunesse.

L’architecture extérieure

Les vieilles gravures ou les photos jaunies montrent les différents aspects extérieurs de la chapelle : un clocher en ancelles, puis en ardoises ; une toiture en avancée sur la porte d’entrée, puis une autre au ras du mur de façade ; deux petites fenêtres de chaque côté de la porte, puis une seule au-dessus… Il importe de redonner son identité à ce bâtiment patrimonial trop souvent soumis à des réparations de fortune.

Tout d’abord, il faut faire disparaître le faux appareillage d’angle, inexistant à l’origine.

Puis on souhaite repercer les deux fenêtres de plein cintre latérales. Elles apparaissent sur les documents anciens et on en a retrouvé les traces en retirant les différents enduits des murs. Comme pour la porte d’entrée, on utilise le tuf, pierre en usage à la fin du XVII^e siècle, préférée au granit qui n’a été utilisé que plus tard, vraisemblablement lors d’une restauration aux alentours des années 1860. Par contre, on conserve, en la réduisant, la fenêtre de pignon ouverte au moment de la création de la tribune.

L’avant-toit de façade, une des nombreuses particularités de l’architecture baroque, est refait. Pour le toit et le clocher, ce sont les ancelles qui sont finalement choisies, de préférence aux ardoises.

Les équipements de confort

Blottie au milieu des maisons, la vieille chapelle est bien, depuis plus de trois siècles, au cœur du village et de ses habitants, et on a du mal à en imaginer un autre emplacement.

Après les premières réparations d’urgence : charpente, toiture… d’autres travaux se révèlent bientôt impératifs, notamment l’assainissement des murs. Année après année, la neige, accumulée à leur pied leur avait, par capillarité, apporté beaucoup d’humidité. Un appareil est mis en place qui, par un système d’ionisation redonne la salubrité nécessaire qui permettra de bien conserver les enduits et peintures intérieures. Par ailleurs, on remplace le vieux poêle par un chauffage correct et un nouvel éclairage est installé valorisant la décoration.

La décoration intérieure

Les décors peints de la voûte, soigneusement photographiés avant le début des travaux, sont fidèlement transposés par Joël Chansard, employé communal : couleurs, formes motifs… les tons utilisés, l’or, le bleu-nuit ou le rouge brique, se calquent sur les effets de marbre et les dorures du retable, ainsi que sur le drapé de la chasuble qui habille le saint patron.

Pour des raisons de sécurité, un portillon de fer forgé barre l’accès de la tribune au public. Mais on peut parfaitement admirer, depuis le bas, la très jolie balustrade qui, dans les tons gris-bleus, s’harmonise aux chaudes couleurs de la voûte et aux faux marbres du retable, élément d’aménagement dans doute postérieur à la construction de l’édifice.

Le retable

René Simond cumule ses talents d’ébéniste et ses connaissances historiques en matière d‘art et d’architecture pour réussir à merveille la restauration du retable, en oubliant les réparations successives pour mieux redonner à l’ensemble un style harmonieux.

Du retable baroque d’origine, ne subsistent que les feuillages latéraux des angelots.

Par contre, la partie supérieure de l’autel a gardé le style Empire du début du XVIII^e siècle et servira de style de référence à l’ensemble. Dans cet esprit, on a repris les faux marbres des quatre colonnes et de la partie basse de l’autel, dans une tonalité gris-bleu à faible cailloutage.

De l’époque baroque proprement dite, on a conservé les putti ainsi que les feuillages dorés et on a ajouté un tabernacle dont la superbe porte, sculptée du traditionnel pélican, provient d’une église baroque du Chablais. La dorure est faite sur apprêts et posée à la miction. La toile du tableau central disparue, restait son cadre aux superbes tons verts et pourpres.

La toile de saint Ours

La très belle toile décorant ce centre de retable est confiée à Lionel Wibault, artiste-peintre chamoniard. Tendues sur un chassis prévu pour s’encastrer parfaitement entre les colonnes et le tabernacle, le tableau représente saint Ours, architecte irlandais en poste à Aoste à qui est dédiée la chapelle.

L’artiste peint le personnage vêtu de ses habits sacerdotaux, tenant de sa main gauche le sceptre et de sa main droite la bible ouverte. À ses pieds se tient un ours, animal rappelant le nom du saint patron, mais aussi symbole des fidèles manifestant leur dévotion. Un oiseau s’est posé sur l’épaule du saint homme, privilège des cœurs purs. Clin d’œil à la montagne, l’artiste y figue le chocard à bel jaune, localement appelé choucas, volatile fétiche des alpinistes.

L’artiste situe la scène dans un décor de village – le Tour – délicatement éclairé par les rayons du soleil couchant sur le glacier cascadant presque jusqu’aux maisons.