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Isabella Straton, la Suzeraine du Mont-Blanc

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Par une glaciale fin d’après-midi de l’hiver 1876, une caravane est de retour dans la vallée. Tout Chamonix s’est rassemblé pour l’accueil et l’ovation traditionnelle réservée aux ascensions réussies, et celle-ci est non des moindres : la Première hivernale au Mont-Blanc !

Musique et discours du président de la Compagnie des Guides de Chamonix : « Mademoiselle, le mont Blanc humilié et dompté vous reconnaît pour sa Suzeraine. Désormais, vous ferez l’admiration des habitants de Chamonix. Par la présente, nous venons déposer à vos pieds le juste tribut de nos éloges et de nos félicitations. »

Diaporama de l’article

  • Légende photo :

    Mary Isabella Straton

  • Légende photo :

    Jean Estéril Charlet

  • Légende photo :

    Groupe d’ascensionnistes. Au centre Isabella Straton. A sa droite Jean Estéril Charlet. Debout à gauche, Emmeline Lewis-Lloyd.

  • Légende photo :

    La « route » pour les Grands Mulets

  • Légende photo :

    Panorama depuis la Flégère d’où Paccard, gardien du chalet, a orienté sa longue-vue afin de suivre la 1ère ascension de l’aiguille de la Persévérance (Aiguilles Rouges), tournant le dos à la Mer de Glace et au Mont-Blanc.

    Par une glaciale fin d’après-midi de l’hiver 1876, une caravane est de retour dans la vallée. Tout Chamonix s’est rassemblé pour l’accueil et l’ovation traditionnelle réservée aux ascensions réussies, et celle-ci est non des moindres : la Première hivernale au Mont-Blanc !

    Musique et discours du président de la Compagnie des Guides de Chamonix : « Mademoiselle, le mont Blanc humilié et dompté vous reconnaît pour sa Suzeraine. Désormais, vous ferez l’admiration des habitants de Chamonix. Par la présente, nous venons déposer à vos pieds le juste tribut de nos éloges et de nos félicitations. »

    L’entente sincère entre le guide et sa cliente, cette complicité qui peut évoluer en une histoire d’amour, paraît presque quelconque de nos jours. Mais au milieu du XIXe, alors que la Savoie vient tout juste d’être rattachée à la France, alors que Napoléon III commande une caravane de 80 guides pour l’accompagner, lui-même, l’Impératrice Joséphine et leur suite, visiter la Mer de Glace… le contexte social n’est guère favorable à une union officielle entre « paysannerie montagnarde » et « grande bourgeoisie britannique ».

    Mary Isabella, la jeune fille de bonne famille à l’éducation irréprochable, révèle, sur les rares photos à notre disposition, une attitude stricte et un visage fermé, reflets de l’environnement social au sein duquel elle a passé son enfance. Devenue adulte, on sait qu’elle a été capable de quitter son Angleterre natale, puis de rallier les Pyrénées à cheval depuis le nord de la France. Excellente cavalière, cette sportive qui s’ignore avait la volonté de marcher des heures durant dans la neige et la caillasse et avait assez d’audace pour se dresser sur des sommets invaincus.

    Jean Estéril, le guide chamoniard reconnu par ses pairs pour ses talents d’alpiniste et coopté par les dirigeants des clubs alpins de France et de Suisse, affiche, sur les photos, un visage souriant, un regard vif et malicieux. Il reste curieux de tout, et bien qu’il ait définitivement quitté les bancs de l’école à 10 ans, on lui reconnaît des talents rédactionnels indéniables, un savoir et un savoir-faire indiscutables.

    Cette histoire originale est celle d’une Suzeraine, éprise de son prince des montagnes, mais surtout femme libérée du XIXe siècle.

    L’appel des cimes

    Comment résister à l’appel des cimes lorsque l’on est, comme Mary Isabella et Emmeline, des sportives accomplies.
    Féministes avant l’heure, elles veulent suivre l’exemple de ces pionnières des cimes qui, avant elles, ont donné la preuve que c’était possible. Henriette d’Angeville parvient au sommet du Mont-Blanc l’année de la naissance de Mary Isabella, tandis que Meta Brevoort et Lucie Walker (toutes deux de la même génération) font largement parler d’elles.

    En 1860, Isabella et Emmeline, excellentes cavalières, se rendent à cheval jusque dans la Pyrénées où elles poussent l’excursion jusqu’à la Brêche de Roland. L’année suivante, on les retrouve aux Grands Mulets, puis, en 1864 au col de Lys, à la traversée de Gressonney ou à la Pointe du Néthou.

    Enfin, en 1865, Isabella rencontre son guide Jean Estéril Charlet avec qui elle fera l’ascension du Grand Paradis et du Col du Géant. La Première ascension du Mont-Blanc le 31 janvier 1876 semble lui être d’ores et déjà acquise !!!

    Quelques-unes des belles ascensions réalisées par Mary Isabella :

    – En 1867, le col des Grands Montets, le col du Tour, le col de la Reuse d’Arolla, les cols de Valpelline et de Tête Blanche. L’année suivante : les cols du Mont Collon et de l’Evêque.

    – En 1869 : le col de Trift, et la traversée de Zinal à Zermatt, le Dôme des Mischabels, le col d’Argentière et la traversée d’Essert (Val Ferret) à Argentière.

    – En 1870, elle additionne l’ascension du Mont Viso, le col du Mont Collon et le col de la Dent Blanche du Grand Cornier. Cette importante « liste de courses » témoigne de la résistance et de la technique dont dispose Isabella à qui rien ne semble impossible.

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