Jean Landru, libraire éditeur
RUBRIQUE : La littérature, La peinture, Les gens d’ici, Les métiers
Quand ils ouvrent leur première librairie en 1930 à Chamonix, Jean et Marie-Louise Landru ont prévu de ne rester que quelques années dans la vallée. Les jeunes époux se sont rencontrés à Voiron (Isère) où la famille Landru tient un petit magasin de journaux et où les parents de son épouse viennent d’ouvrir un hôtel. Ce n’est que provisoirement que les jeunes mariés s’installent sous les arcades jusqu’au jour où on leur propose un local idéal, désormais désaffecté et libre : le restaurant de l’hôtel « Métropole et Victoria ».
Diaporama de l’article
-
Légende photo :
Années 1980 – Le présentoir à journaux : une idée originale pour classer hebdomadaires et quotidiens, à l’époque très nombreux.
-
Légende photo :
Pendant plusieurs décennies, Marie-Louise et Jean Landru ont tenu leur librairie, restée dans la famille à ce jour.
-
Légende photo :
Des séances de dédicaces bondées où il faut parfois faire « la police ».
-
Légende photo :
Les albums Hoppy la Marmotte et You-pi le Chamois, des albums pour enfants magnifiquement écrits par Philippe Gaussot et non moins magnifiquement illustrés par Pellos en 1945 et 1946. Ci-dessus, un exemplaire qui a beaucoup été feuilleté vu l’état de sa couverture.
-
Légende photo :
Jean Landru, l’amour de la belle littérature et des arts.
-
Légende photo :
Un terrier de marmottes par Pellos
Quand ils ouvrent leur première librairie en 1930 à Chamonix, Jean et Marie-Louise Landru ont prévu de ne rester que quelques années dans la vallée. Les jeunes époux se sont rencontrés à Voiron (Isère) où la famille Landru tient un petit magasin de journaux et où les parents de son épouse viennent d’ouvrir un hôtel. Ce n’est que provisoirement que les jeunes mariés s’installent sous les arcades jusqu’au jour où on leur propose un local idéal, désormais désaffecté et libre : le restaurant de l’hôtel « Métropole et Victoria ».
En 1939, c’est la mobilisation et Jean Landru est réquisitionné pour gérer la presse dans les armées. Il sera heureusement démobilisé un an plus tard, mais l’avenir ne s’annonce pas franchement favorable pour les commerçants. La presse, elle-aussi, végète. Les journalistes sont paralysés par la censure…C’est alors que l’opportunité de monter une petite maison d’édition s’ouvre à Monsieur Landru. Son grand-père exerce le métier de contre-maître dans une usine de papier iséroise, les « Papiers de Rives ». Disposant de cette matière première de qualité, son goût pour le livre d’art l’entraîne dans cette belle – mais pas très rentable – aventure de la petite édition.
Roger Carle, Uselac, Madame Roberts, Jean Effel ou Pellos… de grands noms d’illustrateurs offrent tour à tour leur talent pour orner quelques belles œuvres littéraires classiques : Les fables de la Fontaine, Les fleurs du mal de Baudelaire, Madame Chrysanthème de Pierre Loti ou La maison du Chat-qui-pelote de Balzac.
« J’avais une dizaine d’années, raconte Marie-Josèphe Collignon, leur fille. Mais je n’avais pas le droit de regarder. Les parents en parlaient à voix basse. » Nus, scènes osées, voire érotiques : les aquarelles reproduites au fil des pages sont parfois imprimées en tiré-à-part et constituent de magnifiques coffrets de lithographies.
Au sortir de la guerre, les petits Chamoniards se régalent à leur tour et rêvent avec Hoppy la marmotte et You-pi le chamois, contes pour enfants écrits en 1945 et 1946 par Philippe Gaussot, journaliste au Dauphiné Libéré et illustrés par Pellos. Pour compléter la trilogie, on avait prévu Tcherk le choucas, mais l’album ne se fera pas ! L’aventure des Editions Jean-Landru s’éteint peu après pour des raisons de livraisons impayées au Brésil.
Œuvres d’art ou œuvres d’artisan ? Il nous reste les quelques rares exemplaires de ces livres hors du commun, aujourd’hui très recherchés par les bibliophiles collectionneurs.
Depuis plus de 90 ans, la famille Landru ouvre les portes de sa librairie-journaux aux habitants de la vallée de Chamonix. Résidents secondaires ou gens du pays, chacun y trouve son bonheur, même si la presse a été laissée (depuis peu) à d’autres commerçants. On y commande les manuels scolaires ou ouvrages d’art les plus précieux, on peut être invité à des séances de dédicace ou on peut parfois, sans y prendre garde tellement on s’y sent bien, polémiquer entre clients, commenter et débattre…
Un vrai lieu de rencontre, un lieu culturel convivial (même si ce n’est pas son rôle principal) à qui l’on souhaite encore longue vie au centre de la « capitale du ski et de l’alpinisme ».
Publié sur la brochure du patrimoine 2011 avec l’aimable autorisation de Madame Collignon.