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Le rail pour les marchandises

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Reliant la basse vallée de l’Arve à Chamonix, puis à Argentière et la frontière suisse, la voie ferrée devient très vite l’élément indispensable au transport des marchandises. En effet, le « parc marchandises » de la ligne le Fayet – Chamonix est assez important et révélateur d’un trafic dense : 15 wagons couverts automoteurs, 3 wagons couverts remorques, 34 tombereaux automoteurs, 17 wagons plats automoteurs, une grue roulante de six tonnes et plusieurs trucks-moteurs.

  • Légende photo :

    La gare des Bossons par où transite toute la livraison de glace exploitée au glacier des Bossons pour être livrée en gros blocs à Paris ou à Lyon.

    Mais à quoi sert tout ce matériel et que transporte-t-on ?

    Tout d’abord, la présence d’énergie hydraulique – la « houille blanche », comme on l’a longtemps appelée – a permis l’ouverture de l’usine d’électrochimie et d’électrométallurgie de Chedde. De la gare du Fayet jusqu’à l’usine, pénétrant même à l’intérieur des hangars, une voie ferrée spéciale est construite à dimensions normales. Après qu’ils aient été acheminés jusqu’au Fayet, les wagons de matériaux nécessaires au fonctionnement de cette usine abandonnent leur locomotive à vapeur et continuent leur course tirés par les trucks-moteurs, sans qu’il soit nécessaire de pratiquer quelque transbordement, jusqu’à l’intérieur de l’usine de Chedde.

    En sens inverse, les matières et matériaux travaillés à l’usine sont chargés directement sur des wagons « normaux » qui effectueront le trajet jusqu’au Fayet tirés par les trucks-moteurs avant d’être accrochés derrière les locomotives des grandes lignes.

    En parallèle à cette industrie, se développe, avec un essor considérable, l’industrie touristique. Les hôtels se construisent, le nombre de visiteurs augmente très rapidement. Ne trouvant pas, sur place, les nombreux produits dont elle a besoin pour sa clientèle, Chamonix doit se faire ravitailler : denrées alimentaires, charbon et combustible, vêtements et articles de sport… Si les 2500 habitants à l’année peuvent vivre en autarcie avec les produits de la ferme et le bois des forêts, il n’en est pas de même des quelque 20 000 personnes qui, au gros de la saison, vivent, mangent et dorment à Chamonix. De nombreux convois de marchandises sont donc affrétés pour, chaque jour, transporter le bois et le charbon, les colis divers et la nourriture. Dirigés vers la plate-forme marchandises, ils sont attendus par des voitures, automobiles ou attelées, qui emporteront vers leurs hôtels respectifs, ce qui leur est destiné.

    D’autres besoins se font très vite sentir par les gens du pays qui comptent bien sur la voie ferrée pour assurer leurs différents transports : bois, pierres, glace, sable…

    Ainsi, dès 1898, le conseil municipal prend-il une délibération à propos de la gare des Bossons : « Plusieurs membres exposent que que la gare des Bossons ne serait ouverte qu’aux voyageurs et aux services de la grande vitesse pour les colis n’excédant pas le poids de 100 kg. Cette résolution, si elle était maintenue, porterait un préjudice considérable à la commune et aux commerçants de la localité, surtout au sujet de la glace. La gare des Bossons sera située à 1500 mètres du glacier de ce nom et en prévision de l’arrivée du chemin de fer la commune a passé un bail avec une société qui a déjà ouvert un chantier pour l’exploitation des glaces. Depuis quelques temps la grande difficulté des fournitures de glace pendant l’été a nécessité la création de frigorifiques un peu partout. Ces fabriques de glace produisent à prix assez élevé et ont ce double inconvénient de produire le moins quand le besoin est le plus fort, à cause des chaleurs de l’été. Les marchands glaciers ont alors recours aux glaces de Norvège et aux immenses réserves que peuvent fournir les glaciers des Alpes. L’exploitation des glaces du glacier des Bossons, avec une gare de départ située à 1500 mètres du glacier telle que l’avait prévue le service de la construction de la ligne assurerait à la Cie P.L.M. un gros trafic soit sur Paris, Lyon, Genève, etc… Or si cette gare des Bossons n’était pas ouverte à la petite vitesse, l’exploitation des glaces deviendrait trop onéreuse en raison de la manutention par charriage soit à la gare de Chamonix ou à celle des Houches. Elle serait impossible les années où la récolte de glace peut se faire dans les lacs aménagés à cet effet. La société d’exploitation hésitera peut-être à créer un matériel perfectionné pour l’extraction des glaces si elle n’avait l’assurance d’être desservie par cette gare. »

    L’année suivante, une délibération touche l’ensemble des matériaux qui auraient besoin d’être transportés et la totalité des gares où pourraient se faire les chargements : « Considérant que de l’examen des pièces du dossier il appert que les gares projetées sauf celle d’Argentières ne seraient ouvertes qu’aux voyageurs et au service des colis ou bagages dont le poids n’excèderait pas 100 kg, que cette résolution, si elle était maintenue, atteindrait sur tout le parcours de la section de nombreuses exploitations d’ardoises, de gypse, granit, sable, bois, etc… qui n’attendaient que l’arrivée du chemin de fer pour se développer et prendre une réelle importance, qu’en ouvrant toutes les gares au service de la petite vitesse la Cie P.L.M. se verrait largement indemnisée par le trafic considérable qui en découlerait ».