Le Lac Blanc joyau des Aiguilles Rouges
L’agriculture, Les excursions
Vous êtes parti au petit matin. Le temps était splendide, et le soleil faisait déjà miroiter le haut des dômes enneigés de l’aiguille Verte et du massif du Mont-Blanc. En bas, pourtant, les maisons dormaient encore dans la fraîcheur de cette fin de nuit. Grimpant tranquillement le long du beau sentier qui serpente en forêt, vous êtes assez vite arrivé à la Flégère. Température idéale, conditions idéales pour marcher sans effort.
Les huiles du Lac Blanc signées Marcel Wibault sont reproduites avec l’aimable autorisation de son fils Lionel.
L’article en images
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1947 Lac Blanc à midi (Huile Marcel Wibault)
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1937 Lac Blanc
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1987 Les Chéserys la cabane des gardes
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Troupeau de vaches aux Chéserys
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Cabane aux Chéserys
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1987 Cabane des Gardes aux Chéserys
La marche d’approche
Laissant le sentier direct du Lac Blanc, vous avez bifurqué pour prendre celui des Chéserys, moins fréquenté. Quelques lacets encore, au milieu des rhododendrons, et vous voilà arrivé sur l’emplacement de l’ancien alpage des Chéserys. Du latin casa, casius, petite maison, les Chéserys ont abrité, à l’intérieur des bâtiments d’alpage et pendant fort longtemps, bêtes et gens pendant la bonne saison.
En effet, l’exploitation pastorale des montagnes est d’origine très lointaine. Les pâturages, concédés aux habitants par le Prieur, obéissent à un régime juridique particulier : les bénéficiaires ne peuvent diviser leur concession et doivent l’exploiter en commun. Ils sont « communiers » ou « consorts » et possèdent des droits de pâture qu’on appelle les « fonds » sur des terres dont ils sont propriétaires en indivis.
Aujourd’hui, les buissons de rhododendrons et d’aulnes ont repris possession des lieux et l’on ne se lasse de contempler les magnifiques bouquets qu’ils composent, avec, comme toile de fond, les formes élancées et majestueuses des aiguilles. Pourtant, il n’est pas si lointain le temps où les paysans confiaient aux enfants la charge de couper, déraciner et brûler ces arbustes inutiles qui empiétaient toujours trop sur les prés.
L’arrivée au Lac Blanc
Vous ne vous en étiez pas rendu compte, mais le soleil vous a rattrapé pendant votre halte aux Chéserys, dorant de sa belle lumière du matin les prairies et les rochers. Le sentier, maintenant plus étroit, grimpe à nouveau, escaladant les ressauts rocheux et zigzagant dans les pentes herbeuses.
Bien exposé au levant, ce versant est inondé de soleil dès les premières heures. Avec le rayonnement, la température monte vite et votre pas devient lourd. Transpirant et soufflant un peu, vous débouchez enfin sur le replat du Lac Blanc.
Vous apercevez d’abord le toit du refuge, puis le chalet, puis, tout à coup le lac se découvre à vos yeux ! Quel enchantement !
Niché dans une petite conque, le lac Blanc se love dans les rondeurs des rochers moutonnés et des névés qui l’entourent. Quand elle se dévoile des glaces qui masquent sa surface, son eau opaque prend des teintes de turquoise ou de tourmaline. Vous êtes dans un paysage de haute montagne, entièrement façonné par d’anciens glaciers aujourd’hui disparus. Ces derniers ont strié et poli les parois de gneiss de ce magnifique cirque, le plus beau du massif des Aiguilles Rouges. Ils ont creusé, y a bien longtemps, cette cuvette qui s’est, peu à peu, remplie de l’eau de fonte.
Caché derrière un repli de terrain, un deuxième lac, plus grand, se montre bientôt au regard des promeneurs. Un chenal, nettement dessiné, relie les deux plans d’eau.
Le premier, plus petit, ne mesure que 3,20 mètres de profondeur. Au fond, du sable gris et fin. C’est de ce lac que s’échappe le torrent des Chéserys qui coule en cascades parfois abondantes pour rejoindre l’Arve sur sa rive droite, au droit du village des Iles. On a autrefois capté une partie de l’eau de ce torrent pour arroser les pâturages et les chalets de la Flégère. Par ailleurs, le gardien du refuge avait envisagé, les premières années, d’utiliser la petite chute toute proche pour fabriquer sa propre électricité.
Cinq fois plus grand, le lac supérieur est aussi beaucoup plus profond puisqu’il atteint les dix mètres. Il peut rester caché sous la glace pendant très longtemps et, de mémoire vive, il n’était pas rare que la bonne saison se passe sans que les glaçons de sa surface n’aient fondu. D’importants névés s’y déversent lui conservant une température très basse. Quand elle apparaît au grand jour, l’eau de ce lac prend une teinte bleu-vert, elle-aussi un peu opaque à cause des matières en suspension.
Retournez-vous !
Devant vous se déploie le plus majestueux panorama que l’on puisse admirer. Combien de regards se sont posés sur la grandeur et la beauté de ce paysage ? Des peintres y ont, à leur époque, déplié leur chevalet. Des photographes, professionnels ou amateurs, y ont cadré les plus belles couleurs, les plus beaux effets… Alpinistes, randonneurs, promeneurs ou excursionnistes, chacun a pu ressentir l’immensité et la splendeur des lieux !
Par contre, il n’est vraiment pas facile de botaniser à cette altitude. Les plantes sont toutes petites, nanifiées par le froid et le vent. C’est ainsi qu’elles survivent, généralement accrochées profondément au sol par de longues racines. Elles peuvent aussi avoir une vie végétative très longue, ce qui leur permet d’écourter leur période de floraison… L’été est si vite passé !
Par contre, il est impossible de manquer le chocard à bec jaune. Car lui ne vous manquera pas, si par hasard vous vous apprêtez à vous régaler d’un bon casse-croûte, bien mérité ! Il viendra jusqu’à vos pieds, quémander sa ration de fromage ou de saucisson. Magnifique oiseau au plumage noir et aux pattes rouges, son œil vous épie avec familiarité. Fameux voltigeur, il exécutera mille fantaisies, au gré du vent et des courants ascendants.