Guy Cachat raconte ses souvenirs : « 50 ans de déneigement »

Après la dernière guerre, de nouveaux chasse-neige arrivent sur le marché et commencent à faire leur apparition dans les villages de montagnes,La commune de Chamonix fera aussi l’acquisition de petits tracteurs forestiers « Unimog », de fabrication allemande, équipés d’une étrave à l’avant pour l’ouverture des chemins. De leur côté, les petites entreprises privées locales, espérant de nouvelles perspectives de travail pour la période creuse de l’hiver, se lancent également dans cette nouvelle activité de déneigement au service des particuliers. Avec leurs tracteurs « LATIL » et « UNIMOG » à étrave, ils viennent également renforcer le déneigement linéaire des chemins communaux, assurés jusque-là par les chasse-neige de la commune.

Par contre, en ville, la municipalité n’a toujours pas trouvé de solutions efficaces pour déneiger les rues. De la glace se forme partout engendrant des accidents corporels et de multiples plaintes de la part du public. Paul Payot, Maire de la commune dans ces années là, souhaitait en finir avec ce problème récurent qui n’était pas digne de la renommée de Chamonix. Cette question a donc fait l’objet d’un débat entre lui et mon père, Marcel Cachat, conseiller municipal, qui a débouché sur une idée et un projet que souhaitait vivement Paul Payot. Il s’agissait de monter une fraiseuse à neige sur la petite chargeuse à câble « Muir-Hill » que mon père utilisait pour son entreprise, à la place de l’étroit godet qui l’équipait initialement. Cette machine devait, à priori, être en mesure d’enlever les bourrelets et les tas de neige des rues et les rejeter directement sur le camion de la commune. Cette idée, qui paraissait innovante et économique, fut en réalité un échec car la fraiseuse n’arrivait pas à pénétrer efficacement dans les neiges dures et glacées à enlever.

Cette expérience dans les rues de Chamonix a donc pris fin rapidement mais cette machine trouvera très vite un autre débouché . Elle sera employée avec succès pour enlever les bordures de neige fraîche laissées par les chasse-neige le long des routes communales. Les chemins des Bois en particulier, souvent balayés par le vent, la cousse, se remplissaient de neige à hauteur des gires (bordures des chemins en pierres dressées) et ne pouvaient plus être déneigés par l’habituel chasse-neige.

Après deux hivers de suite à assurer ce travail, cette machine, qui avait obtenu le premier prix dans sa catégorie lors du concours international de chasse-neige en 1956 à Val d’Isère, sera revendue à la commune de Notre-Dame de Bellecombe en Savoie.

Pour la petite histoire… Lorsque nous sommes arrivés dans ce village pour la livraison de la machine, celui-ci croulait sous la neige en ce début de janvier. Il faisait nuit et, pour compliquer un peu plus la situation, la neige tombait à gros flocons. Mais certains membres du conseil municipal et le maire étaient présents et voulaient voir cette machine à l’œuvre ! Mon frère Michel a dû s’exécuter et se mettre à la tâche pendant une bonne heure pour déblayer la voie centrale du village. Grâce à sa grande dextérité, cette machine, qui n’était pas facile à piloter, a finalement donné entière satisfaction et a convaincu la municipalité d’avoir fait une bonne affaire.

Pour l’anecdote, le lendemain matin, un conseiller municipal de ce village nous avait confié que le maire avait failli ne pas l’acheter car le prix de vente lui semblait trop faible..!

De son côté, la commune de Chamonix forte de l’expérience et de l’efficacité de notre machine, achètera sa première fraiseuse «Schmidt-Unimog» en 1957. Cette même année, notre entreprise décide d’acquérir une chargeuse plus puissante et plus moderne qui s’avèrera très rapidement l’engin idéal pour le déneigement des rues, des parkings et des avalanches dans notre vallée.

En 1964, à la demande de l’administration du département, notre entreprise équipe l’un de ses camions d’une lame biaise pour le déneigement de la Route Blanche, récemment mise en service. Elle assurera cette prestation pendant quatre années et recevra le premier prix de sa catégorie lors du Concours international de chasse-neige de Briançon en 1965. Après quelques hivers à déneiger Chamonix, j’ai laissé ce grand secteur à mon frère Michel et à notre personnel de l’entreprise, pour m’occuper essentiellement du déneigement des villages d’Argentiere et du Tour qui demandaient de plus en plus d’interventions, compte-tenu de l’extension des surfaces à déneiger et des chutes de neige plus abondantes qu’à Chamonix.

Par comparaison, j’ai souvent constaté qu’une chute de neige de 0,20 m à Chamonix pouvait se traduire par, 0,30 m aux Praz 0,60 m à Argentière et 0,80 m au Tour. Mais il arrive assez souvent que Chamonix soit sous la pluie et qu’il neige en abondance sur le haut de la vallée.

Nous avions également la charge de déneiger très tôt le grand parking du téléphérique des Grands Montets qui était prioritaire ainsi que d’autres établissements privés. À partir de février 1973, avec le décret gouvernemental instituant les vacances d’hiver, une deuxième chargeuse de notre entreprise, conduite par Gérard Bochatay, viendra me prêter main forte sur le secteur d’Argentière où le déneigement devenait de plus en plus plus important.

À Chamonix, le développement continuel du tourisme et de l’urbanisme nécessitera aussi l’utilisation d’un plus grand nombre d’engins communaux et d’entreprises privées locales.

Ainsi, les matériels qui assurent ce service aujourd’hui sont : Les chasse-neige, pour le déneigement linéaire des routes et des chemins. Les chargeuses, les plus petites pour le déneigement des trottoirs et des endroits exigus, Les plus grosses, pour le déneigement des rues, des parkings, des carrefours et les avalanches. Les fraiseuses à neige pour les bordures de route. Les véhicules de transport (camions et tombereaux) pour l’évacuation vers les décharges. Enfin, les sableuses et les saleuses, complémentaires dans le fonctionnement et l’entretien de la voirie.

Publié avec l’aimable autorisation de Guy Cachat